•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

La démocratie poursuit son recul dans le monde

Des manifestantes dans les rues de Tunis portent des pancartes sur lesquelles est écrit : la démocratie trahie

Des milliers de manifestants se sont rassemblés à Tunis pour exprimer leurs craintes quant à l'indépendance du système judiciaire, le 13 février 2022, après la dissolution par le président Saïed du Conseil supérieur de la magistrature.

Photo : AP / Hassene Dridi

Près de la moitié des démocraties du monde sont en déclin, alors que les régimes autoritaires sont chaque fois plus répressifs, selon l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA), basé à Stockholm.

Dans son plus récent rapport (Nouvelle fenêtre), IDEA évalue que sur les 104 démocraties du monde, 48 sont en contraction, puisqu’elles ont enregistré des reculs sur plusieurs aspects. Seules 14 sont en expansion, c’est-à-dire qu’on y a enregistré des améliorations relativement aux indicateurs clés.

C’est une tendance lourde que l’organisation constate depuis plusieurs années.

Partout dans le monde, même dans les démocraties performantes où l’on n'observe pas nécessairement de recul, il y a une stagnation très claire, note Seema Shah, coauteure et éditrice du rapport.

Au niveau mondial, au cours des deux dernières décennies, nous n'avons vu aucune innovation ou croissance significative de la démocratisation.

Une citation de Seema Shah, coauteure et éditrice du rapport « L'état global de la démocratie 2022 »

Au cours des cinq dernières années, le nombre de pays en forte érosion démocratique a atteint un sommet. Entre 2016 et 2021, le nombre de pays évoluant vers l'autoritarisme représentait plus du double du nombre de ceux évoluant vers la démocratie.

Ce qui est encore plus inquiétant, le soutien aux valeurs autoritaires est en augmentation un peu partout dans le monde, remarque Mme Shah. L’Enquête mondiale sur les valeurs (World Values Survey), citée dans le rapport, montre que le nombre de personnes appuyant un leader fort qui ne s’embarrasse pas d’un Parlement et d’élections est en augmentation. En 2009, 38 % des personnes interrogées trouvaient que c’était une bonne chose, et elles étaient 52 % en 2021.

En 2021, les sept pays ayant connu le plus fort recul démocratique étaient le Brésil, le Salvador, la Hongrie, la Pologne, l'Inde, l’île Maurice et les États-Unis.

Différences régionales

L’année dernière, deux pays, le Myanmar et la Tunisie, sont sortis de la liste des démocraties, tandis que 52 pays ont subi une érosion d’au moins un de leurs attributs démocratiques.

Les États-Unis, pourtant une démocratie bien établie, sont aux prises avec la polarisation politique, un dysfonctionnement des institutions et des menaces aux libertés civiles. L’érosion de la démocratie y est amorcée depuis plusieurs années, souligne IDEA.

Les Amériques demeurent la deuxième région la plus démocratique du monde, malgré les reculs et même si une nouvelle autocratie s’est ajoutée cette année : Haïti.

En Europe, la démocratie est toujours la forme dominante de gouvernement, mais sa qualité a stagné ou s’est détériorée dans plusieurs pays. Dans 17 pays, qui représentent 43 % des démocraties européennes, la démocratie s’est dégradée au cours des cinq dernières années. C’est en Pologne et en Hongrie que le repli a été le plus important.

La Russie, pour sa part, a basculé dans la catégorie des régimes autoritaires, rejoignant ainsi la Biélorussie et l’Azerbaïdjan.

Pour être classé comme une démocratie, un pays doit obtenir un résultat d’au moins 0,4 sur une liste d’indicateurs, tels que le respect des droits fondamentaux, l’existence d’un gouvernement représentatif et d‘une administration impartiale, la participation politique et le contrôle effectif du pouvoir exécutif. Il doit également avoir des élections compétitives. Un régime hybride combine l’autoritarisme et la démocratie. Les régimes autoritaires incluent les régimes militaires, les monarchies, les systèmes à parti unique et les États faillis, entre autres.

La démocratie recule également dans la région de l’Asie-Pacifique, tandis que l’autoritarisme s’y solidifie. Même des démocraties établies comme l’Australie, le Japon et Taïwan se dégradent.

Dans la région, c’est le coup d'État au Myanmar qui a représenté le recul le plus important pour la démocratie.

Le Moyen-Orient demeure la région la plus autoritaire du monde, avec seulement trois démocraties, l’Irak, Israël et le Liban.

Dans cette même région, la Tunisie a enregistré un important recul en 2021, lorsque le président Kaïs Saïed a gelé les activités du Parlement puis suspendu la Constitution. Une nouvelle Constitution, qui renforce nettement les pouvoirs du chef de l'État, a depuis été adoptée.

Des gens souriants tiennent une pancarte d'Adama Barrow.

Des partisans du président sortant de la Gambie, Adama Barrow, attendent de connaître les résultats de la première élection présidentielle depuis la démission de l'ancien dictateur Yahya Jammeh, à Banjul, le 5 novembre 2021.

Photo : Getty Images / JOHN WESSELS

Cela dit, la résilience de l’Afrique demeure une des bonnes nouvelles de l’année. Plusieurs États, dont la Gambie, le Niger et la Zambie, ont vu des améliorations démocratiques marquées.

La Gambie est d’ailleurs un des succès de l’année 2021. Le pays s’est démocratisé à une vitesse fulgurante depuis la chute du régime de Yaya Jammeh en 2016, précise Seema Shah.

C’est sur ces succès qu’il faut miser, remarque Mme Shah, qui refuse de sombrer dans le pessimisme.

La beauté de la démocratie est qu'elle est conçue pour s'autocorriger. Il y a beaucoup de possibilités de renverser la tendance.

Une citation de Seema Shah, coauteure et éditrice du rapport « L'état global de la démocratie 2022 »

Partout dans le monde, souligne-t-elle, des gens font pression pour obtenir une refonte du contrat social. Cela peut prendre la forme d’organisations en marge des partis politiques traditionnels, que ce soit des assemblées de citoyens, des manifestations pour le climat ou des demandes pour une nouvelle Constitution, comme au Chili.

Fondamentalement, les termes de l'accord entre le peuple et leur gouvernement doivent changer pour refléter la réalité et les exigences d'aujourd'hui, observe Mme Shah.

Le rapport rappelle également que l’avancée vers la démocratie n’est pas nécessairement linéaire et que divers dénouements politiques sont possibles.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.