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Des Jérolas à la scène en solo, l’immense succès populaire de Jean Lapointe

Le comédien, chanteur et comique Jean Lapointe, qui a aussi été sénateur et philanthrope, est décédé vendredi.

Dans un studio de télévision, les deux hommes chantent, l'un d'eux s'accompagnant à la guitare.

Les Jérolas à l'émission de variété « Music-hall », animée par Michelle Tisseyre, le 20 octobre 1957.

Photo : Radio-Canada / André Le Coz

Les plus jeunes générations l’ont surtout connu comme comédien, mais Jean Lapointe, qui nous a quittés ce 18 novembre à l'âge de 86 ans, était un homme aux talents multiples : auteur-compositeur-interprète, imitateur, humoriste… Retour sur sa carrière sur scène, de son heure de gloire avec les Jérolas à sa longue aventure tout aussi réussie en solo.

Jean Lapointe a d’abord affûté ses instincts artistiques en tant que chansonnier à la grande époque des cabarets québécois, principalement à Montréal, où il s’est établi en 1954 après une enfance passée à Québec.

Avant qu’ils ne déclinent en raison de l’invasion des foyers québécois par la télévision, les cabarets montréalais, comme le Caprice et le Casa Loma, ont connu une vive popularité, dans les années 1950 et 1960.

Avant l’époque des boîtes à chanson, c’était celle des cabarets, avec tout ce que ça peut comporter d’ébouriffage, explique l’animatrice de radio, et grande connaisseuse de la chanson québécoise, Monique Giroux. Il y avait une vie tellement formidable et pétillante dans les nombreuses salles, qui étaient d’ailleurs aussi pleines de public que d’alcool.

C’était une école extraordinaire, car il fallait chanter fort et faire rire fort pour attirer l’attention, ajoute-t-elle. Sinon, tu ne survivais pas très longtemps.

Jean Lapointe sourit légèrement sur un plateau de télévision.

Jean Lapointe à l'émission «Superstar», animée par Jacques Boulanger, en 1982.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

Jean Lapointe a été embauché au milieu des années 1950 par Jean Grimaldi. Cet immigrant français, devenu une vedette de variété au Québec avec sa troupe, était propriétaire de théâtres, dont le Théâtre Gayety, puis le Théâtre National.

Après une période à se produire seul au piano, il a fait la connaissance, en 1955, de Jérôme Lemay, un humoriste et auteur-compositeur-interprète originaire de Béarn, au Témiscamingue. Les deux artistes se sont rencontrés alors que Lemay assistait à une prestation de Lapointe au Théâtre National.

Les Jérolas, un grand succès populaire

C’est ainsi que les Jérolas ont vu le jour peu après, connaissant un succès ininterrompu pendant 15 ans, jusqu’à leur dissolution en 1974. Tirant son nom de la contraction entre JÉRÔme Lemay et Jean LApointe, ce duo, qui mêlait chanson et imitations, a lancé 20 albums.

Sa rencontre avec Jérôme Lemay a tout changé, explique Monique Giroux. À l’époque, c’était le début des groupes yéyé et des chansonniers comme Gilles Vigneault, Pauline Julien, Fernand Léveillé [et autres], qui faisaient eux de la véritable chanson. Alors qu’avec l’humour qu’on leur connaît, Jérôme Lemay et Jean Lapointe, plutôt habillés et cravatés, faisaient du stand-up.

Les deux hommes sourient pour la photo, en noir et blanc.

Jérôme Lemay et Jean Lapointe, du duo Les Jérolas, en 1971

Photo : Radio-Canada / Francis J. Menten

Parmi les plus grands succès des Jérolas, on compte des chansons comme Yakety Yak (1959), Charlie Brown (1959), La veillée chez l’père Jos (1959), Matilda (1961) et Méo Penché (1961). L’engouement pour le duo a également traversé l’Atlantique et la frontière avec les États-Unis. Les Jérolas ont été invités deux fois au Ed Sullivan Show en 1963, avant même les Beatles, en plus de se produire à deux reprises à L’Olympia de Paris.

Jean Lapointe et Jérôme Lemay étaient extrêmement populaires, ce qui n’était pas forcément le cas de Gilles Vigneault ou Félix Leclerc, qui n’attiraient pas des foules à tout casser dans les années 1960. Ils étaient des artistes populaires, au sens où ils rassemblaient le plus grand nombre, résume Monique Giroux.

En 2011, les Jérolas se sont reformés pour un nouveau spectacle intitulé Le grand retour des Jérolas. L’aventure a toutefois vite pris fin lorsque Jérôme Lemay a été victime d’une attaque cardiaque à la Place des arts de Montréal, le 31 mars 2011, jour de la première. L’artiste est décédé trois semaines plus tard, le 20 avril 2011.

François Léveillée, qui s'était notamment chargé de la mise en scène du spectacle que Jean Lapointe avait fait avec son fils Jean-Marie, se rappelle l'homme et l'artiste.

Jean Lapointe et Jérôme Lemay, deux amis aux antipodes

Fille de Jean Grimaldi, l’ancienne chroniqueuse culturelle Francine Grimaldi a tenté sa chance en tant que comédienne durant l’heure de gloire des Jérolas. Elle a accompagné le duo lors de nombreuses tournées à travers le Québec et le Nouveau-Brunswick.

Je jouais dans les sketchs, mais je faisais aussi tous les jobs : j’ai déchiré des tickets à la porte, j’ai fait de la comptabilité…, explique-t-elle.

Je n’ai que des beaux souvenirs avec Jean [...] On a fait des tournées formidables. Il prenait un coup dans ce temps-là et il était drôle pour mourir. Ils étaient vraiment aux deux antipodes, car Jérôme Lemay était toujours très sérieux, économe et discret.

Au-delà de son sens de la fête et de son humour, Mme Grimaldi se souvient de Jean Lapointe comme d’un homme d’une générosité, d’une simplicité et d’une galanterie avec les femmes, un peu comme Olivier Guimond l’était. Il n’était jamais déplacé ou quoi que ce soit.

Jean Lapointe, déguisé en facteur, livre un monologue devant un micro.

Jean Lapointe livre un monologue déguisé en facteur à l'émission L'autobus du show-business, en 1989.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

Son frère d’âme Marcel Lefebvre

C’est à la dissolution des Jérolas que l’alcoolisme, qui s’est emparé de Jean Lapointe pendant l’époque des cabarets, a atteint son paroxysme. En 1974, il a mis sa carrière sur pause afin de suivre une cure de désintoxication.

L’année suivante, il s’est lancé en solo, interprétant des pots-pourris de chansons, des sketchs comiques et des imitations. Une formule avant-gardiste qui fera d’Yvon Deschamps une méga vedette quelques années plus tard. Jean Lapointe a ainsi connu un énorme succès avec des spectacles parfois doublés d’albums comme Démaquillé (1976), Un an déjà (1977), Showman (1984) et Attend’rire (1988).

La carrière solo de Jean Lapointe n’aurait probablement pas été la même sans sa rencontre avec Marcel Lefebvre, qui compte sûrement parmi les plus importantes de sa vie.

Il s’est trouvé un auteur formidable, comme Diane Dufresne avec Luc Plamondon. Marcel Lefebvre et lui étaient deux très grands amis. On doit à Marcel Lefebvre une quantité de choses, ne serait-ce que Chante-la ta chanson, explique Monique Giroux.

La majorité des succès de Jean Lapointe ont été écrits par Marcel Lefebvre, qui était un peu son prolongement, comme son frère d’âme.

Dans un studio de télévision, le chanteur interprète une
chanson, assis sur un tabouret, un micro
sans fil à la main.

Jean Lapointe en 1989 à l'émission de variétés « L'autobus du show-business », animée par Jean-Pierre Ferland.

Photo : Radio-Canada / Jean-Pierre Karsenty

Jouer sans béquille sur scène

Toutefois, monter sur scène sobre n’était pas toujours facile. Francine Grimaldi se souvient d’ailleurs d’avoir assisté, pour l’émission CBF-Bonjour animée par Joël Le Bigot, à un spectacle décevant donné en solo par Jean Lapointe.

Ça ne marchait pas, c’était des petits rires. J’étais gênée et je me disais : “voyons donc, qu’est-ce qui se passe?“, se rappelle-t-elle.

Après le show, il m’a dit : "c’est la première fois que je joue sans béquille", c’est-à-dire sans alcool, mais aussi sans pilules, parce qu’il prenait des médicaments après avoir arrêté de boire. [...] Le lendemain matin, j’en ai parlé à la radio, mais tout en nuances. Il m’a dit qu’il n’avait pas dormi de la nuit. Si je l’avais démoli, [je pense] qu'il aurait probablement arrêté de jouer.

Malgré ces difficultés, Jean Lapointe laissera, dans le cœur du public et dans les mémoires, le souvenir d’un artiste, heureux sur scène, attirant les foules avec lui dans sa fantaisie.

Quel artiste extraordinairement talentueux et quel comédien hallucinant, c’était une bête! Ses spectacles te faisaient rire aux larmes, mais ils t’émouvaient aussi. Il te revirait comme une crêpe.

Une citation de Monique Giroux

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