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Voici Sagittaire A*, le trou noir supermassif au centre de notre galaxie

Il est plus de 4 millions de fois plus massif que le Soleil.

Sgr A*, le trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie.

Sgr A*, le trou noir supermassif situé au centre de notre galaxie.

Photo : EHT Collaboration

La toute première image de Sagittaire A*, le trou noir supermassif situé au centre de la Voie lactée, a été rendue publique lors de plusieurs événements de presse organisés partout dans le monde par les institutions associées à l’initiative EHT (télescope Horizon des événements), dont l’Observatoire européen austral (ESO) et le Centre Harvard-Smithsonian d'astrophysique.

Cette image fournit la preuve visuelle directe de la présence du trou noir au cœur de la Voie lactée.

L’astrophysicienne Julie Hlavacek-Larrondo, professeure de physique à l’Université de Montréal et spécialiste des trous noirs supermassifs, a suivi l’annonce en direct avec des collègues qui assistaient à une rencontre du Centre de recherche en astrophysique du Québec.

On était une centaine à applaudir avec beaucoup d'émotion! En tant qu’astrophysiciens, on comprend le défi technologique que représente cette image, c'est colossal. C’est une fierté de voir ce que l’astrophysique est capable d’accomplir.

Une citation de Julie Hlavacek-Larrondo
La constellation du  Sagittaire.

La zone du ciel au sein de laquelle se trouve Sagittaire A* est marquée d’un cercle de couleur rouge dans la constellation du Sagittaire. La plupart des étoiles visibles à l’œil nu dans de bonnes conditions d’observation s'y trouvent.

Photo : ESO, IAU and Sky & Telescope

Une longue quête

Dès 1974, des astrophysiciens avaient détecté une source radio compacte et brillante au centre de la Voie lactée. Ce n’est toutefois que dans les années 1990 que cette source a été associée à la présence d’un trou noir supermassif, ces régions de l’espace où le champ gravitationnel est si intense qu’il empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper.

Mais comment confirmer la présence et créer une image d’un objet céleste qui n’émet pas de lumière? C’est la tâche à laquelle les 350 astrophysiciens associés à l’EHT s’attardent depuis une première campagne d’observation menée en 2017 à l’aide des huit télescopes terrestres situés un peu partout dans le monde et qui forment l’équivalent virtuel d’un radiotélescope de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre.

Image montrant l'emplacement de certains des télescopes qui composent l'EHT, ainsi qu'une représentation des longues lignes de base entre les télescopes.

Cette image montre l'emplacement de certains des télescopes qui composent l'EHT, ainsi qu'une représentation des longues lignes de base entre les télescopes.

Photo : ESO/L. Calçada

L'objectif de ces scientifiques était d'imager la silhouette d’un trou noir causée par la courbure de la lumière soumise à la gravité extrême de l’objet céleste. Les premiers résultats ont été annoncés en 2019. On avait à l’époque présenté l’image du trou noir au centre de la galaxie Messier 87 (M87*) distant de quelque 55,3 millions d’années-lumière de la Terre.

Par comparaison, Sagittaire A* (Sgr A*) se trouve à seulement 27 000 années-lumière de notre planète.

La silhouette d'un trou noir

L’image que les astrophysiciens ont réussi à capter correspond au contour de SgrA*, ce qu’on appelle l’horizon des événements. Cette région marque la limite immatérielle de l’entrée dans le trou noir.

« Cet anneau lumineux représente de la matière et du gaz en train de tourbillonner autour du trou noir juste avant qu'ils se fassent engloutir », explique la Pre Hlavacek-Larrondo.

Ce contour du trou noir est considéré comme un des endroits les plus violents de l’univers, et le point de non-retour au-delà duquel tout – c’est-à-dire les étoiles, les planètes, les gaz, les poussières et toute forme de rayonnement électromagnétique, y compris la lumière– serait irréversiblement aspiré.

Sgr A* est 100 fois plus près de notre planète que n’importe quel autre trou noir supermassif, mais sa relative proximité ne l’a pas rendu plus facile à observer que M87*, bien plus éloigné.

Comparaison de la taille des deux trous noirs imagés par EHT : M87* et Sgr A*.

Comparaison de la taille des deux trous noirs imagés par EHT : M87* et Sgr A*. L'image montre l'échelle de Sgr A* par rapport à M87* et à d'autres éléments du système solaire tels que les orbites de Pluton et de Mercure.

Photo : EHT collaboration/Lia Medeiros

Le gaz qui se trouve à proximité des deux trous noirs se déplace à la même vitesse, mais celui autour de M87* met des jours, voire des semaines, à réaliser une orbite, alors que le gaz ne met que quelques minutes à le faire autour de Sgr A*, qui est 1000 fois plus petit.

Ainsi, M87* étant une cible plus stable, toutes les images finissent par se ressembler. Dans le cas de Sgr A*, la photo présentée est une moyenne des différentes images que l'équipe a extraites.

L’astrophysicien Olivier Hernandez, directeur du Planétarium Rio Tinto de Montréal, est emballé par la quantité de données recueillies qui permettent de comparer les deux monstres.

Lorsqu'on projette les images des trous noirs dans le ciel, ils apparaissent pas mal identiques en taille. Mais le trou noir de Messier 87 est situé à 55 millions d’années-lumière.[…] En fait, le trou noir au centre de notre galaxie est très petit en comparaison.

Une citation de Olivier Hernandez

Il est tellement petit que l'anneau que l'on voit rentre au complet dans l'orbite de Mercure. C'est impressionnant, ajoute M. Hernandez.

Le nouveau Planétarium Rio Tinto Alcan à Montréal, vu de l'extérieur, sous un ciel bleu et cotonneux.

Le Planétarium Rio Tinto Alcan à Montréal.

Photo : Espace pour la vie/Raymond Jalbert

Le défi vraiment technologique, c'est qu'on est en train d'observer une distance qui varie… Le gaz autour de Sgr A* est littéralement en train de tourner à la vitesse de la lumière et on le voit tourner en direct! C 'est pour ça que ça a pris des années à obtenir l'image, affirme la professeure.

L'équipe a consacré cinq ans à la création de l'image en utilisant des superordinateurs pour combiner et analyser les données.

L’image présentée au monde a surpris l’astrophysicien Olivier Hernandez, directeur du Planétarium Rio Tinto de Montréal.

On voit le trou noir de face comme c’était le cas pour M87*, alors qu’on pensait plutôt le voir sur la tranche parce que techniquement, nous sommes dans le disque de la galaxie. C’est très intéressant, il va y avoir de bonnes discussions à ce sujet au cours des prochaines années.

Une citation de Olivier Hernandez
Ces images montrent les deux premières images jamais prises de trous noirs. À gauche, M87*, et à droite, Sgr A*).

Ces images montrent les deux premières images jamais prises de trous noirs. À gauche, M87*, et à droite, Sgr A*).

Photo : EHT Collaboration

L’astrophysicien souligne à quel point les données recueillies correspondent en tout point à la théorie de la relativité générale. Au-delà des observations, il y a beaucoup de simulations très poussées qui sont faites pour comprendre tout ce qui se passe. Ces simulations mènent à des modélisations théoriques dont les images [simulées] correspondent exactement aux images obtenues, estime-t-il.

C'est vraiment un travail technique et scientifique absolument incroyable. Et le résultat de tout ça nous en apprend un peu plus sur le cœur même de notre galaxie et valide la masse de notre trou noir galactique.

Une citation de Olivier Hernandez

La présence de trois points plus lumineux sur le contour du trou reste également à éclaircir, selon M. Hernandez. Ils sont probablement liés à des endroits où le champ magnétique est plus intense, mais c'est peut-être aussi les endroits à partir desquelles le flux de matière traverse l'horizon des événements.

Un monstre plutôt tranquille

Certains résultats ont également surpris la Pre Hlavacek-Larrondo, qui savait pourtant que Sgr A* n’était pas le plus actif des trous noirs.

Il est vraiment tranquille et n’avale que très peu de matière. […] C'est comme s'il était à jeun. À l’échelle humaine, c’est comme si un humain mangeait un grain de riz à chaque million d’années.

Une citation de Julie Hlavacek-Larrondo

Selon la scientifique, cette réalité ne s’inscrit pas dans les connaissances actuelles concernant les trous noirs peu actifs.

Notre physique prédit présentement beaucoup plus de variabilité dans le trou noir que ce qui est observé dans l’image. Cela veut dire qu’il y a des connaissances en physique qui manquent. Il y a quelque chose qu’on ne comprend pas.

Une citation de Julie Hlavacek-Larrondo

Selon la professeure, l'équipe de l’EHT continuera d'analyser les données dans les prochains mois et pourrait créer une vidéo montrant l’environnement du trou noir et comment ça tourne autour de lui.

Mon rêve, c'est vraiment de voir ces monstres engloutir leur repas! De voir l’invisible! C’est un côté de la physique super fascinant.

Une citation de Julie Hlavacek-Larrondo

Repères

  • La Voie lactée est une galaxie spirale formée de plus de 100 milliards d’étoiles, de poussières et de gaz interstellaires.
  • Dans son ensemble, elle mesure environ 106 000 années-lumière de diamètre.
  • Au centre se trouve un noyau brillant, appelé bulbe, d’où partent des bras spiralés qui forment un immense disque aplati.
  • Notre Soleil est situé sur l'un de ses bras spiraux et tourne autour du centre galactique tous les 240 millions d'années.
  • Sgr A* est plus de 4 millions de fois plus massif que le Soleil.

Sgr A* n’est pas le seul trou noir de la Voie lactée. Il existerait des dizaines de trous noirs stellaires. Ces derniers se forment à l'occasion de l'effondrement gravitationnel d’étoiles massives en fin de vie qui explosent en supernovae. À ce jour, 20 trous noirs de ce type ont été confirmés dans notre galaxie.

Un mystère qui reste entier

Malgré cette percée galactique importante, les trous noirs demeurent des objets célestes très mystérieux.

Comment se forment-ils? Où va la matière qu’ils absorbent? Comment définir leur singularité gravitationnelle? Qu’est-ce qui se trouve de l’autre côté?

Une citation de Olivier Hernandez

Autant de questions sans réponse auxquelles la science pourra continuer de s’attarder dans les prochaines années.

Depuis la première série d’observations menée en 2017, trois observatoires se sont ajoutés au réseau de l’EHT et d’autres s'y joindront dans les prochaines années.

L'image est l'objet de six articles publiés dans The Astrophysical Journal Letters (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

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