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Les CHSLD n’étaient dans aucun scénario de départ au Québec, souligne la protectrice

Marie Rinfret en conférence de presse.

Selon la protectrice du citoyen, Marie Rinfret, la direction générale responsable des CHSLD au ministère de la Santé et des Services sociaux n'avait pas l'expertise nécessaire en matière de prévention et de contrôle des infections lorsque la crise de la COVID-19 a frappé le Québec.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Il aura fallu la catastrophe du CHSLD Herron pour ajouter des mesures concrètes et applicables dans les milieux de vie pour aînés, déplore la protectrice du citoyen du Québec. Marie Rinfret a déposé mardi son rapport final pour cibler les causes de la crise dans les centres d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD) qui a fait près de 4000 morts durant la première vague de la pandémie.

Ses 11 constats accablants témoignent du manque de préparation des autorités sanitaires. La séquence des événements montre que ce n’est qu’à partir de la mi-mars que le Québec a réellement pris conscience de la virulence du virus et qu’il fallait préparer les milieux de vie pour aînés. C’est pourtant un mois plus tard, alors que les éclosions se multipliaient dans les CHSLD et que les morts s’additionnaient à une vitesse fulgurante, que le personnel sur le terrain a finalement reçu des directives plus claires.

En janvier 2020, avant même que la COVID-19 ne se propage au Québec, tous les yeux étaient tournés vers l’Europe, durement frappée par le virus. L’Italie était aux prises avec une augmentation exponentielle de cas nécessitant une intervention médicale. De plus en plus de personnes se voyaient refuser l’accès aux hôpitaux italiens, faute de ressources pour les accueillir.

Anticipant des problèmes semblables à ceux de l’Italie, le Québec a d’abord voulu protéger sa capacité hospitalière, en transférant des milliers de personnes hospitalisées vers des CHSLD.

La protectrice du citoyen remarque qu’aucune analyse des risques n’a été réalisée.

Les CHSLD n’ont pas été pris en compte dans aucun scénario de préparation de la pandémie.

Une citation de Marie Rinfret, protectrice du citoyen

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Ce qu’on a constaté dans notre enquête, c’est que les préparations spécifiques aux CHSLD et les consignes particulières données aux établissements sont venues à la mi-mars, donc autour du 12 mars, a précisé la vice-protectrice du citoyen, Me Hélène Vallières.

Le 15 novembre, dans le cadre de l'enquête publique menée par la coroner Géhane Kamel, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a pourtant affirmé que des discussions avaient eu lieu dès janvier 2020 concernant la vulnérabilité au coronavirus des aînés en CHSLD. Il a assuré que des protocoles étaient en place avant la pandémie pour la prévention et le contrôle des infections dans les CHSLD.

Des témoignages recueillis lors de l'enquête indiquent que les PDG des CISSS et des CIUSSS avaient reçu la demande d'actualiser leur plan de contingence le 22 janvier 2020. L'avocat Patrick Martin-Ménard, qui représente des familles dont les proches sont décédés en CHSLD, a toutefois affirmé que la directive était absente d'un procès-verbal daté de cette journée-là.

La sous-ministre adjointe de la direction générale des aînés et des proches aidants, Natalie Rosebush, a soutenu devant la coroner Kamel que le gouvernement était bel et bien préoccupé par la situation dans les centres d’hébergement.

La protectrice a eu accès aux informations « détruites »

Lors du huis clos, la protectrice du citoyen a révélé qu'elle avait eu accès à tous les rapports de visites de vigie en CHSLD, les mêmes qui avaient prétendument disparu quand la coroner Géhane Kamel les demandait. Lisez nos articles au sujet de ces rapports et des réactions de l'opposition à la suite de ces révélations.

Inquiétudes sur les transferts

Dès la mi-mars, les transferts d’usagers dans les CHSLD ont suscité des inquiétudes, rappelle aussi la protectrice du citoyen dans son rapport. Entre autres, ils n'avaient pas d'équipements de protection individuelle pour les employés et il était difficile d’y implanter des aires de confinement, ainsi que des zones froides et chaudes.

Un guide de mesures a été transmis au réseau de la santé le 12 mars, mais, en pareil contexte, les directives pouvaient difficilement être mises en œuvre. Le guide faisait état de mesures tellement générales et peu opérationnelles qu’il était pratiquement impossible de les appliquer concrètement sur le terrain.

C’est donc en pleine crise, constatant que plusieurs CHSLD avaient perdu le contrôle des éclosions au début avril 2020, qu’il a fallu, précipitamment, remédier aux lacunes et redresser la situation, écrit Mme Rinfret. Des équipes ont été déployées, des annonces concernant la réaffectation des ressources humaines ont suivi, et des équipements ont été fournis à l’ensemble du personnel, notamment.

Les CHSLD n'avaient pas été préparés pour assurer cette prise en charge de façon sécuritaire, a déclaré Mme Rinfret en conférence de presse, mardi après-midi. Ces milieux de vie auraient dû recevoir des consignes adaptées à leur réalité et des ressources pour renforcer leurs faiblesses. Les risques concernant ces milieux n'ont pas été correctement évalués.

Le reportage de Véronique Prince

Dans son témoignage dans le cadre de l'enquête publique sur les morts survenues dans les milieux de vie pour aînés, la semaine dernière, Danielle McCann, ministre de la Santé au moment de la première vague de COVID-19, a estimé que nombre de ces décès s'expliquaient par des défaillances dans la chaîne de commandement de certains CISSS et CIUSSS.

Lorsque la coroner Géhane Kamel lui a demandé à qui revenait la responsabilité de la préparation des CHSLD à faire face à cette situation en mars 2020, Mme McCann a simplement répondu : Aux PDG.

Confusion et cafouillage

Une certaine confusion régnait aussi dans le recrutement et l’affectation des effectifs en renfort, notamment ceux provenant de la plateforme « Je contribue ». La protectrice déplore beaucoup d’improvisation. Les établissements ne disposaient pas de données pour bien déployer les volontaires, ce qui rendait la coordination problématique.

On recueillait des noms par "Je contribue". Mais quand on avait besoin de ces personnes, on n’avait pas la structure pour traiter le flot. Les gens étaient frustrés, ils n’étaient pas appelés, indique un témoin non identifié.

Marie Rinfret recommande d’ailleurs un plan provincial de déploiement de la main-d’œuvre d’urgence. Elle note aussi un cafouillage dans l’application des directives. Comme les CHSLD ne comptaient aucun gestionnaire, il n’y avait pas de gouvernance locale pour prendre des décisions adaptées.

La transmission des informations et des consignes a également reflété un réel cafouillage à un moment où la communication verticale à partir des experts et du ministère jusqu’au terrain aurait dû mieux outiller et sécuriser le personnel, les résidents et leurs proches.

Les causes de la crise dans les CHSLD, selon le rapport de la protectrice du citoyen : Conception hospitalocentriste; CHSLD dans l'angle mort des préparatifs; Pénurie de personnel; Méconnaissance en prévention et contrôle des infections; Absence d'une gouvernance locale; Manque de protection individuelle; Technologie d'information désuète.

Dans son rapport, la protectrice du citoyen a identifié plusieurs causes de la crise dans les CHSLD.

Photo : Radio-Canada

Dans son rapport, Marie Rinfret note que l’interdiction de visites dans les CHSLD a généré une profonde détresse dans les milieux de vie. Selon elle, il faut s’assurer que l’accès des proches aidants ne soit jamais interdit. Elle reconnaît cependant qu’il était difficile de les garder sur place sans équipement de protection. Québec aurait dû évaluer les conséquences de cette décision.

Au plus fort de la crise, les CHSLD ont été privés de l’aide compétente de personnes qui connaissaient leurs proches respectifs et le milieu de vie. Marie Rinfret affirme que la première vague aura prouvé, hors de tout doute, que les personnes proches aidantes en CHSLD doivent être accueillies au sein de l’équipe de soins et disposer des outils pour leur permettre de jouer leur rôle.

Legault dénonce les « gérants d'estrade »

En fin de journée, le premier ministre François Legault a rejeté du revers de la main les critiques de la protectrice du citoyen, en disant que c'était facile de jouer les gérants d'estrade après coup. Il n'a pas voulu commenter la confusion qui régnait quant à la séquence des événements.

Il a dit que tout le monde a fait la même erreur, au Québec comme partout ailleurs dans le monde, en se concentrant uniquement sur les hôpitaux. On a tous été surpris du fait que ce sont les centres d'hébergement qui ont été frappés le plus durement.

Le monde entier s'est un peu réveillé au mois de mars, selon lui.

Le devoir de se souvenir

Un total de 1355 personnes ont répondu à l’appel de témoignages de Marie Rinfret. Seize mémoires ont été déposés et 250 entretiens ont été réalisés avec des gens touchés de près dans la crise. Pas moins de 27 recommandations émanent de ceux-ci.

Par exemple, Marie Rinfret recommande de suivre les retombées de tout rapport d’enquête adressé au ministère de la Santé concernant la crise de la COVID-19 dans le secteur des soins de longue durée.

La protectrice du citoyen propose aussi la mise en œuvre d'une stratégie nationale de lutte contre la pénurie de main-d'œuvre et de promotion des professions dans le secteur de la santé. Elle croit en outre qu’il faut instaurer des actes de commémoration annuelle des victimes et des personnes qui ont travaillé auprès d’elles.

En date du 28 juin 2020, 69 % des personnes décédées de la COVID-19 au Québec vivaient dans les CHSLD ou étaient hébergées dans une unité de soins de longue durée en centre hospitalier.

La protectrice du citoyen avait d'elle-même ouvert cette enquête en mai 2020, car elle estimait que le nombre élevé de décès et la multiplication des foyers de contagion recensés chaque jour dans les CHSLD dressaient un constat alarmant sur les capacités de ces établissements à assurer la sécurité et le bien-être de leurs résidents.

Un rapport d'étape avait été déposé en décembre 2020, dans lequel Mme Rinfret pressait déjà Québec d'améliorer la situation. Quelques mois plus tôt, en septembre, la principale intéressée avait aussi mentionné dans son rapport annuel que la tragédie était prévisible depuis longtemps.

Avec les informations de La Presse canadienne

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