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Le gouvernement libanais tombe, mais la rue ne s'en satisfait pas

Quelques manifestants portant des masques à gaz défient des policiers en tenu anti-émeute.

Les hostilité entre manifestants et policiers ont débuté alors que le premier ministre Hassan Diab entamait sa déclaration.

Photo : Getty Images / AFP / Joseph Eid

Radio-Canada

Le premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé lundi sa démission, entraînant de facto la dissolution du gouvernement, près d'une semaine après les explosions meurtrières qui ont dévasté le port de Beyrouth et une partie de la ville. Dans les rues, des centaines de manifestants ont de nouveau affronté les policiers.

M. Diab, à la tête du gouvernement depuis près de sept mois, a adressé un discours aux Libanais en soirée, affirmant que la colère des manifestants est dirigée contre la classe politique traditionnelle et non pas contre son cabinet.

Toutefois, il semble que M. Diab et le président Michel Aoun avaient tous les deux été prévenus, deux semaines avant la catastrophe, que le nitrate d'ammonium conservé dans le port risquait de détruire la capitale en cas d'explosion. C'est ce qu'a diffusé l'agence Reuters lundi soir, plusieurs heures après l'annonce de la démission du premier ministre.

Cette catastrophe est due à de la négligence chronique. […] Le système corrompu est plus grand que le Liban, a dit Hassan Diab avant d'annoncer la démission de son gouvernement.

Ils doivent avoir honte parce qu’ils ont caché cette catastrophe pendant sept ans. […] Ils incarnent le véritable malheur des Libanais. Cette révolution est contre eux, mais ils n’ont pas voulu écouter.

Une citation de Hassan Diab, premier ministre démissionnaire
Hassan Diab prend la parole derrière un lutrin.

Le premier ministre Hassan Diab a annoncé sa démission lors d'une allocution télévisée.

Photo : Getty Images / AFP/Télé Liban

Les Libanais veulent un État fort et un système judiciaire indépendant, a ajouté l'homme âgé de 61 ans, un enseignant en ingénierie.

M. Diab avait indiqué samedi qu'il était prêt à rester dans ses fonctions pendant deux mois, jusqu'à l'organisation d'élections anticipées dans un pays dominé par le mouvement armé du Hezbollah, un allié de l'Iran et du régime syrien de Bachar Al-Assad. Mais il est arrivé lundi à une tout autre conclusion.

Ce qui nous importe, c’est de sauver le pays. Et face à cette situation, […] j’annonce aujourd’hui la démission du gouvernement.

Une citation de Hassan Diab, premier ministre démissionnaire

Que Dieu protège le Liban, a-t-il répété trois fois à la fin de son discours.

Quatre membres de son équipe avaient déjà démissionné depuis dimanche, à la suite de la terrible explosion d'un énorme dépôt de nitrate d'ammonium dans le port, le 4 août, qui a fait au moins 160 morts et plus de 6000 blessés, et relancé une contestation populaire déjà forte depuis des mois, malgré un certain essoufflement dû à la pandémie de COVID-19.

Le président Michel Aoun a accepté cette démission et chargé Diab d'expédier les affaires courantes jusqu'à la formation d'un nouveau cabinet.

Présenté comme un indépendant, M. Diab avait été nommé premier ministre en réponse à un soulèvement populaire qui avait déjà poussé son prédécesseur Saad Hariri à la démission.

Après l'annonce de M. Diab, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, a appelé le Liban à la formation rapide d'un gouvernement qui fasse ses preuves auprès de la population.

Il est désormais indispensable que les aspirations exprimées par les Libanais en matière de réformes et de gouvernance soient entendues, a-t-il poursuivi.

Des hommes tirent sur une chaîne.

Des protestataires ont tenté de faire tomber l'enceinte de béton du parlement à l'aide de chaînes.

Photo : Getty Images / AFP / Joseph Eid

Violents affrontements

C'est le départ de toute la classe politique, accusée de corruption et d'incompétence, que réclame le mouvement.

Des centaines de Libanais qui n'allaient donc pas se satisfaire de la démission de M. Diab ont répondu à un appel à manifester lundi devant le palais présidentiel de Baabda, à Beyrouth, pour réclamer celle du président Michel Aoun.

De violents affrontements en ont découlé, comme l'a constaté notre envoyé spécial Philippe Leblanc.

De premiers gaz lacrymogènes ont été tirés dès l'annonce télévisée du premier ministre. Les manifestants ont lancé des cocktails Molotov, des feux d'artifice, des pétards et des pierres aux policiers, qui ont répliqué avec d'autres gaz lacrymogènes et des balles de caoutchouc.

Même avec une démission de Hassan Diab, il y a encore 128 voleurs assis au parlement, a fustigé Layal, une manifestante. Eux aussi doivent démissionner, sinon on reste dans le même cycle.

Ça ne changera rien, a abondé une autre manifestante au sujet de la démission du gouvernement. D’après elle aussi, sans la démission du président Aoun et de la totalité des députés, les copains du régime trouveront toujours le moyen de rester près du pouvoir.

C’est vraiment un changement de régime complet qu’on veut.

Une citation de Une manifestante à Beyrouth
Des policiers en tenue anti-émeute sont bombardés de feux d'artifice.

Des manifestants ont notamment lancé des feux d'artifice en direction des policiers.

Photo : Getty Images / AFP / Joseph Eid

À Tripoli, plus au nord, le portrait était différent, les manifestants exprimant davantage leur joie de voir tomber le gouvernement Diab. Certains ont tiré en l’air.

Mardi dernier, l'explosion de quelque 2750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées depuis des années dans le port de Beyrouth – sans mesures de précaution, de l'aveu même de M. Diab – a ravivé la colère d'une grande partie de la population.

Le reportage de Marie-Claude Morin

Six jours après le drame, les autorités n'ont toujours pas expliqué pourquoi une telle quantité de nitrate d'ammonium s'y trouvait. Le président Aoun a rejeté l'éventualité d'une enquête internationale.

Les manifestations qui ont eu lieu samedi et dimanche à Beyrouth, qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, sont les plus importantes depuis le début, en octobre, du mouvement de protestation contre la crise économique, la corruption et la mauvaise gestion des services publics par une élite politique accusée de détourner à son profit les finances publiques.

Des blocs de béton ont été érigés autour du siège du gouvernement libanais pour le protéger des manifestants.

Vue du siège du gouvernement libanais à Beyrouth.

Photo : Reuters / MOHAMED AZAKIR

La recherche de survivants abandonnée

Alors que les Libanais continuent d'enterrer leurs morts, les secouristes ont désormais perdu tout espoir de retrouver des survivants à l'explosion.

Au grand désespoir des familles des disparus qui accusent les autorités d'avoir tardé à organiser les recherches. Nous réclamons la poursuite des recherches, a lancé sur les réseaux sociaux Emilie Hasrouty, dont le frère serait enseveli sous les décombres.

Dimanche, les donateurs internationaux du Liban ont promis d'envoyer rapidement et sans condition autour de 400 millions de dollars canadiens d'aide à Beyrouth. Ils ont cependant dit qu'ils allaient distribuer eux-mêmes l'aide promise directement à la population.

Ils ont aussi précisé que la poursuite de leur soutien dépendrait de la mise en œuvre de réformes institutionnelles.

La communauté internationale a exigé une enquête transparente sur les causes de la catastrophe qui a également fait près de 300 000 sans-abri.

À Téhéran, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Abbas Mousavi a déclaré lundi que les États devraient s'abstenir de politiser les explosions de Beyrouth, en visant particulièrement Washington.

L'origine de l'explosion doit faire l'objet d'une enquête minutieuse , a-t-il dit, ajoutant que si les États-Unis sont honnêtes dans leur démarche d'aide envers le Liban, ils devraient lever les sanctions.

Avec les informations de Agence France-Presse et Reuters

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