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Automobilistes pressés, ambulanciers dépassés

Une ambulance, phares allumés, tourne sur un coin de rue

Une ambulance

Photo : Radio-Canada

Les comportements dangereux et les incivilités font partie du quotidien des ambulanciers paramédicaux. Du refus de céder le passage en passant par le doigt d'honneur, les paramédicaux disent en voir de toutes les couleurs.

Pourtant, en vertu du Code de la sécurité routière, les automobilistes sont tenus de céder le passage à un véhicule d'urgence sous peine de sanction.

Ça n'arrive pas tous les jours des affaires de même. C'est impensable! Je n'ai jamais vu ça.

Une citation de Mario Dénommée, ex-ambulancier

L'ambulancier paramédical à la retraite Mario Dénommée se souvient encore très bien de cette soirée du mois d'août 2016 au cours de laquelle il transporte vers un hôpital de Montréal une patiente qui souffre d'une hémorragie cérébrale. Sur sa route, dans les environs de Joliette, un automobiliste s'entête soudainement à lui bloquer le passage. Notre véhicule est barré à 140 kilomètres à l'heure. Le char en avant de moi ne voulait pas me laisser passer parce que je roulais à la même vitesse que lui, raconte-t-il.

Mario Dénommée est confronté à de nombreuses manoeuvres dangereuses au cours desquelles il est contraint de freiner brusquement et d'immobiliser son véhicule. Au bout de plusieurs longues minutes, l'automobiliste cédera finalement le passage à l'ambulance, qui parviendra à se rendre à l'hôpital. La police, qui avait été avisée du comportement dangereux sur la route, a avisé Mario Dénommée que l'automobiliste avait été arrêté et qu'il était intoxiqué.

Cette situation est rare, selon l'ex-ambulancier paramédical. Néanmoins, il a été témoin à différents moments de sa carrière d'autres événements dérangeants, comme des automobilistes qui font la course avec son ambulance, d'autres qui suivent trop près pour se frayer un passage dans les bouchons de circulation et certains qui ignorent encore le respect du couloir de sécurité.

Il y en a encore qui vont passer à côté de toi et pfiooumm! Ça passe! Tabarnik! J'ai passé proche de me faire tuer!, confie Mario Dénommée. Il précise : C'est pas long là. Quand tu débarques, faut que tu surveilles tout le temps dans ton miroir pour voir s'il n'y a pas quelqu'un qui s'en vient.

En discutant avec d'autres ambulanciers paramédicaux au Québec, on constate que les mauvais comportements de la part d'automobilistes ne sont pas rares encore en 2019.

Plus de sensibilisation

À Montréal, les ambulanciers d'Urgences-santé estiment que la plupart des automobilistes respectent l'obligation de céder le passage des véhicules d'urgence dans la mesure du possible. Mais, il reste encore beaucoup de sensibilisation à faire.

Je ne pense pas que c'est juste de la mauvaise volonté.

Une citation de Jérémy Lachance, superviseur aux interventions à Urgences-santé

Il y a peut-être une question de mauvaise éducation ou c'est juste par inadvertance. Les gens sont stressés. Ils sont dans leur tête. Mais, oui, la majorité des paramédics ont une histoire. Peut-être pas aussi intense que celle de Joliette, mais oui, ça arrive, note M. Lachance.

Nous avons accompagné Jérémy Lachance dans son véhicule d'urgence pour nous rendre sur les lieux d'un accident. Après avoir roulé pendant quelques minutes, gyrophares et sirène allumés, nous avons constaté que plusieurs automobilistes semblaient ignorer l'obligation de céder le passage à une ambulance.

On voit que les gens ne se tassent pas sur la droite, indique M. Lachance, dont le véhicule est immobilisé derrière quelques autos qui attendent au feu rouge. Je ne veux pas non plus les pousser parce que la lumière [vient de virer au vert]. On voit que les gens n'ont pas l'habitude ou le réflexe de se tasser vers la droite.

En Montérégie, les ambulanciers paramédicaux que nous avons rencontrés vivent une autre réalité, soit celle de l'heure de pointe du soir. Pour eux, comme pour tous leurs collègues, l'important c'est de transporter le patient le plus rapidement possible à l'hôpital et dans les conditions les plus sécuritaires. Or, le comportement de certains automobilistes peut venir compliquer leur travail et ajouter un stress au patient qui, on s'en doute bien, pourrait s'en passer.

Les gens ne regardent pas nécessairement derrière eux quand ils sont dans le trafic.

Une citation de Alexandre Gervais, ambulancier paramédical

Son collègue David Beauregard ajoute que les automobilistes ont souvent le réflexe de freiner immédiatement après avoir vu l'ambulance dans leur rétroviseur. Les gens nous voient et on dirait qu'il y a un effet de surprise, précise-t-il. Alexandre Gervais recommande aux automobilistes de ralentir à la vue d'une ambulance dont les gyrophares sont allumés et d'éviter les mouvements brusques.

À la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ), on rappelle que les automobilistes ont l'obligation de céder le passage à tout véhicule d'urgence dont les signaux lumineux ou sonores sont en marche, en réduisant la vitesse de leur véhicule, en serrant à droite le plus possible et, si nécessaire, en immobilisant leur véhicule.

Il faut vraiment s'ajuster à la situation, affirme Mario Vaillancourt, porte-parole de la SAAQ. Si on est capable de le faire, on le fait. Si on n'est pas capable de le faire à l'endroit où l'on se trouve, on peut peut-être essayer d'avancer un peu, serrer la droite par la suite. Mais je vous dirais que c'est vraiment de céder le passage aux véhicules d'urgence qui s'en viennent parce qu'évidemment ces gens ne font que leur travail.

Selon la SAAQ, un peu plus d'une centaine de constats d'infraction ont été remis en 2017 pour un refus de céder le passage à un véhicule d'urgence. Le nombre d'infractions pour le non-respect du corridor de sécurité est à peu près 10 fois plus important pour la même année.

Refus de céder et doigt d'honneur

En milieu urbain, en plus des comportements dangereux, les paramédicaux sont confrontés au manque de civisme de la part de certains automobilistes. L'ambulancière paramédicale Brigitte Bazinet se rappelle très bien la réaction désagréable d'un automobiliste qui aurait pu et qui aurait dû céder le passage à son ambulance à une intersection lors d'un appel d'urgence.

Je me souviens d'une fois où on est allé pour un appel d'urgence, un problème respiratoire, relate-t-elle. On était sur la rue Viau. On était complètement dans la voie de droite. Il y avait un véhicule devant nous à la lumière. Pour signaler à l'intersection qu'on veut passer, on avait les sirènes et l'automobiliste en avant de nous nous a fait un doigt d'honneur et n'a jamais cédé le passage. Il n'a jamais avancé pour qu'on puisse continuer notre chemin jusqu'à cet appel d'urgence.

Son collègue Jonathan Laurin, que nous avons croisé sur les lieux d'un accident, est aussi témoin de l'impatience de certains automobilistes lors d'interventions d'urgence.

Des fois, on essaie de se placer à des endroits pour ne pas nuire, lance-t-il. Mais, on ne peut pas se mettre à des places sans danger. Il y a de la neige, de la glace et parfois ce n'est pas évident de trouver la meilleure place. Et, oui, des fois on bloque des gens. Les gens sont impatients. Ils ne comprennent que c'est urgent et que ça peut sauver une vie de bien se stationner.

Jonathan Laurin ajoute que cette impatience cause un stress supplémentaire dont, on le devine, il pourrait bien se passer.

Des fois, on travaille et on se fait dire des bêtises, souligne l'ambulancier paramédical. Il y a des gens qui, lorsqu'on est en train de travailler, qu'on pousse la civière avec un patient qui ne va pas bien [nous disent] : "pourrais-tu tasser ton camion?" Ben oui! Je n'ai pas vraiment le temps. Je suis vraiment occupé. Mais je vais le faire avec plaisir lorsque j'aurai terminé. Quand on peut, on se tasse. On ne reste pas là pour rien.

Jérémy Lachance s'est fait dire récemment que certains automobilistes n'hésitaient pas à entrer dans l'ambulance lorsque le moteur tourne pour pouvoir libérer le passage de leur propre véhicule. C'est simplement pour tasser le véhicule parce que le véhicule bloquait soit la rue ou l'entrée. À ne pas faire. On n'a pas des centaines de cas répertoriés, mais oui c'est déjà arrivé, reconnaît-il.

M. Lachance aimerait bien que, malgré tout le stress qu'on peut vivre sur la route, qu'on se rappelle de ceci : Si c'était un de nos proches qui était à l'adresse, on aimerait que l'ambulance soit le plus près possible et que les gens comprennent. Je pense qu'il faut juste se mettre à la place du patient et de la famille du patient.

Presque tous les ambulanciers paramédicaux à qui nous avons parlé ont répété le même message, espérant conscientiser tous ceux qui prennent la route.

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