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Pour nourrir la planète de demain, il faudra cultiver la terre autrement

Une main posée sur la terre.

Actuellement, de « 25 % à 30 % de la production totale de nourriture est gaspillée », souligne le rapport, alors qu'environ 820 millions de personnes souffrent de la faim.

Photo : getty images/istockphoto

Radio-Canada

Nourrir correctement les milliards de Terriens ou lutter contre le réchauffement climatique? Pour ne pas un jour se retrouver face à ce dilemme, il est indispensable de repenser l'usage des terres et nos habitudes alimentaires, avertit le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Les experts de l'ONU sur le climat plaident pour des actions « à court terme » contre la dégradation des sols, le gaspillage alimentaire ou les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole, dans un rapport spécial présenté à Genève.

Les délégations des 195 pays membres du GIEC ont examiné pendant cinq jours ce rapport, dont l'intitulé complet est Le changement climatique, la désertification, la dégradation des sols, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres.

En clair : comment le réchauffement climatique influe-t-il sur les terres consacrées aux cultures ou à l'élevage, ou encore les forêts, et par ricochet la sécurité alimentaire? Et comment les pratiques agricoles ou la déforestation modifient-elles le climat?

Le « résumé à l'intention des décideurs politiques » de ce rapport de 1200 pages, négocié ligne par ligne, était dévoilé lors d'une conférence de presse jeudi.

Ses principales conclusions : Notre utilisation des terres [...] n'est pas soutenable et contribue au changement climatique, a souligné sa coprésidente Valérie Masson-Delmotte, pour qui le rapport met l'accent sur l'importance d'agir dès maintenant.

Les terres sont sous une pression croissante des activités humaines et le changement climatique est une pression supplémentaire, a insisté la climatologue française lors d'une conférence téléphonique.

Des tracteurs labourent des terres agricoles.

Les experts de l’ONU dénoncent la surexploitation des ressources.

Photo : AFP/Getty Images / JEAN-FRANCOIS MONIER

Des effets dévastateurs sur les terres

Le réchauffement des terres émergées atteint déjà 1,53 °C, le double de la hausse globale [océans compris], selon le rapport.

Dès 2 °C de réchauffement global, nous pourrions nous retrouver avec des crises alimentaires d'origine climatique plus sévères et plus nombreuses.

Une citation de Jean-François Soussana, l’un des auteurs du rapport

La marge est étroite si l'on veut à la fois contenir le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs sur les terres, et nourrir convenablement une population qui pourrait dépasser 11 milliards d'individus à la fin du siècle.

Nous devons changer substantiellement la façon dont nous utilisons nos terres, lance Piers Forster, professeur en matière de changements climatiques à l'Université de Leeds.

Nous devons penser de manière beaucoup plus approfondie à la façon dont nous allons utiliser chaque hectare. Les terres doivent permettre de cultiver notre nourriture, de fournir la biodiversité et l'eau douce, de donner du travail à des milliards de personnes et de capturer des milliards de tonnes de carbone, résume-t-il.

Le GIEC a élaboré différents scénarios pour limiter le réchauffement à 1,5 °C ou bien en dessous de 2 °C par rapport à la période préindustrielle. Ils incluent des mesures d'atténuation basées sur les terres et des changements d'usage, combinant boisement, reboisement, déforestation réduite et bioénergies.

Les scénarios nécessitant d'importantes conversions de terres pour lutter contre le réchauffement pourraient avoir « des effets secondaires indésirables », tels que la désertification ou la dégradation des terres, ou compromettre la sécurité alimentaire, selon le rapport.

Les bons choix en matière de terres sont fondamentaux pour s'attaquer à la crise climatique, constate Stephen Cornelius, du WWF, observateur lors des négociations.

Invitée jeudi sur le plateau de RDI matin, Caroline Brouillette, chercheuse en changements climatiques à Équiterre, a accueilli le rapport de façon positive.

Selon Mme Brouillette, qui soutient que la mobilisation citoyenne est plus forte que jamais, les propositions du GIEC permettront notamment de soutenir la « transition radicale, déjà en marche » et de faire pression auprès des gouvernements.

Cela renforce aussi l’importance d’une action de tous les secteurs, qui va nous permettre de rester sous le seuil des 1,5 °C. Il nous reste 11 ans pour le faire, et le GIEC nous donne un rapport qui est plein de solutions. Il faut donc accélérer le rythme et mettre en place les politiques publiques qui vont nous permettre d’embarquer l'industrie. On peut y arriver, souligne la chercheuse d’Équiterre.

C’est une révolution culturelle et technique, croit également l’agronome français Marc Dufumier, qui a pris connaissance du rapport avec enthousiasme.

Ce rapport est une excellente synthèse pour nous inviter à changer notre agriculture et notre alimentation. Il faut notamment en finir avec notre agriculture industrielle qui contribue à l'érosion des sols et aux émissions des gaz à effet de serre. Il nous faut aussi mettre fin à la trop grande consommation de viande. C’est un changement complet qu'il faut opérer.

Une citation de Marc Dufumier, agronome
Des vaches paissent dans un pré.

Depuis 1961, la consommation par personne de viande a plus que doublé, tandis que la consommation de calories alimentaires a augmenté d'un tiers. Le rapport du GIEC indique que moins de viande contribuera à lutter pour le climat.

Photo : AFP/Getty Images / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

Le président de l’Union des producteurs agricoles du Québec, Marcel Groleau, a accusé le système alimentaire mondial d’être responsable d’une partie de l’empreinte environnementale globale.

« Depuis plusieurs années, on protège davantage le commerce agricole qu’on ne protège les terres agricoles, qu’on ne protège la production locale agricole, les agricultures de chacun des pays. En fait, quand on force l’ouverture des marchés, qu’on met les agricultures mondiales en compétition les unes contre les autres simplement sur le prix, c’est sûr qu’on met à mal notre environnement, parce qu’on sacrifie notre environnement pour produire au plus bas prix possible », a-t-il affirmé sur les ondes de RDI.

Marcel Groleau a cité le cas du Brésil, où la déforestation a fait place à l’élevage du bœuf, et à l’Indonésie, où des forêts sont rasées pour produire de l’huile de palme.

« On n’aide pas mondialement l’environnement quand on fait des choix comme ça. Alors, je reviens au principe de l’alimentation locale équilibrée. Nous, on a un rôle à jouer d’essayer de produire de la façon la plus écologique possible », a-t-il ajouté, précisant que de favoriser l’approvisionnement local constitue une façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

« Éliminer le gaspillage alimentaire et réduire la consommation de viande »

Pour le GIEC, outre les indispensables réductions de gaz à effet de serre, des solutions existent du côté du système alimentaire et des habitudes de consommation, car les changer ne nécessite pas de consommer plus d'espace.

Actuellement, de « 25 % à 30 % de la production totale de nourriture est gaspillée », souligne le rapport, alors qu'environ 820 millions de personnes souffrent de la faim.

Si, dans les régions pauvres, l'apport en protéines animales est parfois insuffisant, dans les pays riches, il dépasse les recommandations nutritionnelles de l'Organisation mondiale pour la santé.

Deux milliards d'adultes sont en surpoids ou obèses et « 25 % à 30 % de la production totale de nourriture est gaspillée ».

Il faut éliminer le gaspillage alimentaire et réduire la consommation de viande, insiste l'ONG Climate Action Network.

Ce travail est le deuxième d'une série de trois « rapports spéciaux » du GIEC, après celui sur la possibilité de contenir le réchauffement à 1,5 °C, l'an dernier, et avant celui sur les océans et la cryosphère (banquise, glaciers, calottes polaires) attendu en septembre, au moment où l'ONU tiendra un sommet sur le climat à New York.

Avec les informations de Agence France Presse

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