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Sécurité des Canadiens en zones hostiles : « Il y a un ajustement à faire »

L'entrée de l'énorme mine de manganèse de Tambao, dans le nord du Burkina Faso,, où a été enlevé un employé roumain, Iulian Ghergut, qui est toujours détenu par des djihadistes depuis son enlèvement en avril 2015.

L'entrée de l'énorme mine de manganèse de Tambao, dans le nord du Burkina Faso, où a été enlevé un employé roumain, Iulian Ghergut, qui est toujours détenu par des djihadistes depuis son enlèvement en avril 2015.

Photo : AFP/Getty Images / AHMED OUOBA

Le meurtre du Canadien Kirk Woodman au Burkina Faso soulève de nombreuses questions sur les mesures de sécurité adoptées par les entreprises canadiennes pour protéger leurs employés en zones hostiles. Quels sont les principaux défis auxquels elles font face? Où est la ligne à ne pas franchir?

M. Woodman, un géologue d’expérience originaire d'Halifax, a été enlevé mardi dernier par un groupe armé alors qu’il se trouvait sur un site d’exploration minière à Tiabangou, dans la province de Yagha, dans le nord-est du Burkina Faso.

Son corps a été retrouvé deux jours plus tard dans la province voisine d'Oudalan, située dans la région instable du Sahel, frontalière avec le Mali et le Niger, où le groupe armé Ansarul Islam est particulièrement actif.

Dans un bref communiqué, la société minière canadienne Progress Minerals, pour laquelle M. Woodman travaillait, a dénoncé l’attaque, mais n’a pas donné plus de détails sur les circonstances entourant la mort du géologue, qui a pourtant plus de 30 ans d’expérience, dont 20 ans en Afrique de l’Ouest.

« Une décision corporative »

Mais pour Benoît La Salle, président de la société canadienne Windiga Énergie, active dans le domaine du développement durable dans plusieurs pays africains, dont le Burkina Faso, une part de la responsabilité incombe à l’employeur.

« La zone où M. Woodman se trouvait est une zone connue pour être très risquée, qu’il faut éviter à tout prix », explique M. La Salle, qui a également été président de la société minière québécoise Semafo, de 1994 à 2012. « La décision de poursuivre les opérations d’exploration dans une région dangereuse est clairement une décision corporative. Et cela vient avec ses risques… », a-t-il ajouté.

Toujours selon M. La Salle, la sécurité peut être assurée tant que les employés suivent les protocoles en place pour se protéger en tout temps, même à l’extérieur des installations. Cela concerne notamment les déplacements, les voyages, les endroits à fréquenter ou pas, etc.

Il y a quelques années, le Burkina Faso était un pays très sécuritaire, il y a donc un ajustement à faire maintenant que le pays est plus dangereux.

Une citation de Benoît La Salle, président de la société canadienne Windiga Énergie

Dans une analyse publiée en 2018, le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) affirme que le nord du Burkina Faso a été la cible de plus de 80 attaques ayant fait plus de 270 morts en trois ans.

Ces attaques seraient principalement le fait d’Ansarul Islam, « un groupe créé en décembre 2016 et qui bénéficie d’un fort ancrage au niveau local, tout en entretenant des liens avec d’autres groupes au Mali ».

En août dernier, deux attaques meurtrières ont visé des installations de la compagnie Semafo, qui compte 1200 salariés, dont 85 expatriés, dans ses sites de Mana et Boungou au Burkina Faso, tuant cinq gendarmes burkinabés chargés d’assurer la sécurité de la mine et un employé.

Dans un courriel, Alain Mélanson, vice-président des ressources humaines chez Semafo, assure que la compagnie a renforcé ses mesures de sécurité suite à ces attaques. « La sécurité de tous nos employés demeure notre priorité, a-t-il affirmé. Nous continuons de suivre de très près la situation au Burkina Faso avec nos partenaires. »

« Une cible incroyable »

Pour M. La Salle, les entreprises canadiennes qui travaillent dans la région sont bien informées des risques grâce à plusieurs sources, dont l’ambassade du Canada, ainsi que des sites Internet spécialisés en matière de sécurité dans l’Afrique de l’Ouest.

Aujourd’hui, les deux principaux dangers qui minent la région sont le terrorisme et le banditisme. « Cette zone qui se trouve entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger représente en plus la route de la contrebande de drogue vers l’Europe, donc il faut être encore plus prudent », explique M. La Salle.

C’est comme si tu t’en vas marcher dans un territoire de chasse à l’orignal en plein mois d’octobre et que tu te promènes camouflé pour voir des lapins : tu risques de prendre des plombs dans la jambe, tu deviens une cible incroyable.

Une citation de Benoît La Salle, président de la société canadienne Windiga Énergie

Isabelle Brissette, chef de la sûreté mondiale et de la résilience des affaires chez Rio Tinto, parle quant à elle de l’importance d’évaluer la « tolérance » des entreprises face aux risques.

« Il y a eu des moments chez Rio Tinto où on a décidé de ne pas opérer dans certaines zones, parce qu’on a jugé que la façon de gérer les menaces mettait quand même encore à risque la vie ou l’intégrité physique de nos employés », affirme Mme Brissette. « Donc, oui, c’est un choix de compagnie », ajoute-t-elle.

Elle souligne aussi l’importance de collaborer avec les communautés locales pour éviter certains types de risques, dont le banditisme, le blocage de routes, etc.

Certaines entreprises n’évaluent peut-être pas assez les dangers, mais si on veut envoyer des employés dans des zones à haut risque, il faut prendre ça très au sérieux.

Une citation de Isabelle Brissette, chef de la sûreté mondiale chez Rio Tinto

Les pays qui octroient les permis miniers sont tenus d’assurer la sécurité des installations et des employés des entreprises minières, mais la « faiblesse de l’appareil sécuritaire burkinabé est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le pays est devenu une cible plus facile », selon ICG.

La Canadienne originaire de Sherbrooke Edith Blais et son compagnon italien, Lucas Tacchetto, sont portés disparus depuis la mi-décembre, alors qu’ils faisaient la route entre Bobo-Dioulasso et Ouagadougou.

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