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Enseigner l’esprit critique pour mettre K.-O. les fausses nouvelles

Une fillette avec des lunettes et une ampoule dessinée au-dessus de la tête.

Les jeunes doivent apprendre très tôt à déceler le vrai du faux.

Photo : getty images/istockphoto / Nastia11

Radio-Canada

L'esprit critique, ça se développe. C'est, en fait, l'arme-choc dans la lutte contre les fausses nouvelles qui prolifèrent sur le web, cet univers dans lequel baignent les jeunes générations. Et c'est pourquoi, au Canada comme en France, professeurs et intellectuels misent sur l'éducation pour les aider à démêler le vrai du faux.

Un texte de Delphine Jung

Tout a commencé avec un article du site Internet parodique The Onion, que Sophie Mazet, une professeure d’anglais, a fait lire à ses élèves.

« Il se terminait par une citation de Barack Obama qui disait “fuck you”. Personne n’a bronché. Je me suis dit qu’ils gobaient vraiment n’importe quoi », explique la jeune Française qui enseigne dans un établissement de la banlieue parisienne.

Une femme pose devant l'objectif.

Sophie Mazet a développé un cours d'autodéfense intellectuelle qu'elle dispense à ses élèves.

Photo : tirée du Facebook de Sophie Mazet

« J’étais préoccupée de recevoir un nombre croissant de fausses informations dans ma boîte courriel et sur Facebook. Je me suis demandé comment faisaient les internautes, et plus particulièrement les jeunes générations, pour se repérer sur Internet », ajoute de son côté Rose-Marie Farinella, qui enseigne, elle, en Haute-Savoie.

Ce qui m’a le plus inquiétée, c’est de trouver, parmi ces fausses nouvelles, certaines avec des arguments fallacieux incitant à la haine et au racisme.

Une citation de Rose-Marie Farinella, enseignante
Une femme à côté d'un enfant, dans une salle de classe.

Rose-Marie Farinella s'est demandé comment faisaient les internautes, et plus particulièrement les jeunes générations, pour se repérer sur Internet.

Photo : Rose-Marie Farinella

Et comme il n’y a pas mille façons de mettre en place un tel enseignement, elles ont développé, chacune de son côté, des astuces qui, au final, sont très similaires : apprendre aux enfants ce qu’est un journaliste, comment il travaille, puis identifier les sources, l’auteur d’un article, déterminer quand la photo a été prise, prendre en compte le contexte, recouper les informations, etc.

Leurs cours d’autodéfense intellectuelle, dispensés à raison d’une heure par semaine, ne sont pour l’instant que des initiatives personnelles, certes soutenues par leur établissement respectif, mais qui n’ont pas encore été mises en place à l’échelle du pays.

La formation des maîtres comme stratégie

Au Québec, pour éveiller l’esprit critique des jeunes face aux fausses nouvelles, on mise plutôt sur la formation des enseignants qui, à leur tour, pourront éduquer leurs élèves.

C’est le cas de l’organisme québécois École branchée. « Nous offrons aux professeurs du matériel pédagogique qui leur explique comment développer les compétences informationnelles des enfants », explique Audrey Miller, directrice générale de l’organisme.

Les fiches pédagogiques développées à cette fin s’adressent aux enseignants du secondaire et du troisième cycle du primaire.

Des élèves de dos sont en classe et lève leur main pour participer.

Présentement, 12 commissions scolaires sont abonnées aux fiches de l'organisme École branchée.

Photo : getty images/istockphoto / Dolgachov

« Présentement, 12 commissions scolaires sont abonnées à ces fiches, ce qui permet à l’organisme d’atteindre 15 % à 20 % des enseignants du Québec », précise Mme Miller.

En Ontario, c’est le programme Actufuté, mis en place par l’organisme Civix, qui est déployé dans 2800 écoles. « Il propose des plans de leçons pour les professeurs désireux d’éduquer leurs élèves aux médias. L’idée est que les jeunes répondent moins émotionnellement aux nouvelles et qu’ils prennent un peu de recul », explique Frédérique Dombrovski, gestionnaire de la promotion à Civix.

Il est aujourd'hui disponible dans tout le Canada.

Le programme Actufuté a d’ailleurs été créé en collaboration avec la Fondation pour le journalisme canadien.

Éduquer plutôt que punir

La plupart des intellectuels estiment eux aussi que c’est à l’école que revient la tâche d’enseigner l’esprit critique, plutôt que de laisser les gouvernements ou des entreprises comme Twitter ou Facebook décider de ce qui est une vraie ou une fausse nouvelle.

Le Québécois Normand Baillargeon, auteur du Petit cours d’autodéfense intellectuelle, fait partie de ceux-là. Il trouve d’ailleurs que la décision prise par les géants du web de censurer certaines pages est troublante. Il appelle cela la « privatisation de la liberté d’expression ».

Normand Baillargeon derrière un micro dans un studio radio de Radio-Canada.

Le philosophe Normand Baillargeon publie le bestiaire philosophique L'arche de Socrate.

Photo : Radio-Canada / Catherine Contant

Pour le philosophe, la meilleure solution reste donc l’éducation. Il pense même que les professeurs pourraient inclure un soupçon d’esprit critique dans leur enseignement, quelle que soit la matière.

C’est une tâche pas facile, mais il ne faut pas baisser les bras.

Une citation de Normand Baillargeon

Il estime par ailleurs que l’éducation aux médias pourrait aussi passer par des cours de philosophie dispensés aux élèves, dès le plus jeune âge.

Son confrère, le philosophe Christopher DiCarlo, enseignant à l’Université de Toronto et fondateur de Critical thinking solutions, une entreprise de consultation pour les entreprises et les OBNL, abonde dans le même sens.

Donner le pouvoir aux jeunes de déterminer ce qui est vrai et faux, c’est la chose la plus importante.

Une citation de Christopher DiCarlo, philosophe

Et il faut commencer tôt. « Apprendre une langue étrangère est beaucoup plus facile lorsqu’on est jeune, c’est pareil pour développer son esprit critique », ajoute-t-il.

Il approuve par exemple la démarche de Civix, et estime que l’organisme fait « un travail merveilleux ».

Un homme parle devant la caméra

Le philosophe DiCarlo estime que l'éducation à l'esprit critique est quelque chose de très important.

Photo : tirée de Youtube

Pourtant, toute cette bonne volonté se retrouve parfois empêtrée dans la réalité du terrain. Le Français Christophe Michel, membre de l’Observatoire de zététique* et formateur auprès des professeurs, constate que, dans son pays, « les envies sont là », mais les moyens financiers tardent à suivre.

Encore faut-il que les professeurs consacrent le temps nécessaire à la préparation de ces cours d’autodéfense intellectuelle.

Mais pour Frédérique Dombrovski, de Civix, ce dont il faut avant tout prendre conscience, c’est que cette tâche relève de tous.

En tant que société, il faut aller à l’encontre des fausses nouvelles en éduquant et non pas en punissant.

Une citation de Frédérique Dombrovski

* La zététique est l’art du doute et consiste à étudier de manière rationnelle des phénomènes présentés comme paranormaux, des pseudosciences et des thérapies étranges.

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