•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Exclusif

L'A-19 à Laval en piètre état 4 mois après y avoir mis des millions

L'autoroute 19, vue du viaduc de la Concorde.

L’autoroute 19, vue du viaduc de la Concorde.

Photo : Radio-Canada / Marc Gosselin

Radio-Canada

L'asphaltage de l'autoroute 19 a été refait en bonne partie, fin 2017, entre le boulevard Henri-Bourassa, à Montréal, et l'autoroute 440, à Laval – un tronçon de 3 kilomètres, qui a coûté 3,3 millions de dollars à restaurer et causé bien des maux de tête aux automobilistes. Mais moins de quatre mois après les travaux, la chaussée montre des signes de détérioration à plusieurs endroits.

Un texte de Marc Gosselin (Nouvelle fenêtre) et de Jérôme Labbé (Nouvelle fenêtre)

Mark Byles habite à Rosemère et emprunte l'autoroute 19 du lundi au vendredi afin de se rendre au travail à Montréal. Il a constaté depuis plusieurs semaines que quelque chose clochait dans la qualité de la chaussée, et ce, dans les deux directions.

« Les rainures dans la chaussée sur la voie qui va en direction sud dans le secteur du boulevard de la Concorde doivent être aux 20 pieds, estime M. Byles. Comme je pars tôt, entre 6 h et 7 h, je réussis quand même à rouler rapidement. Mais quand tu roules à 100 km/h dans la voie de gauche, ça cogne. Tout vibre dans le char! Il y a des autos qui doivent se faire maganer. Les conducteurs le voient : quand ils roulent dans la voie de gauche et que ça se met à cogner, ils reprennent leur place dans la voie du centre. C'est impraticable. »

M. Byles, qui a une formation de technicien en génie civil, craint que l'état de la chaussée ne soit carrément dangereux. « S'il y a de la neige et de la glace et que tu essaies de freiner là-dessus, ça va être comme sur des billes : ça va continuer tout droit, prédit-il. En plus, il y a une courbe dans le secteur du viaduc de la Concorde, ça tourne et ça descend. »

Julie Jeanson, une résidente de Terrebonne, travaille également à Montréal, sur le Plateau-Mont-Royal. Elle emprunte quotidiennement l'autoroute 19, mais essaie d'éviter de prendre la voie de gauche en direction sud. « Juste un peu de pluie ou de neige et ça devient dangereux. La route est très bossée », constate-t-elle.

Roxboro Excavation, une entreprise de Dorval, avait obtenu le mandat d’enlever 50 millimètres d’asphalte et de remplacer le tout par 50 millimètres d'une nouvelle couche d'asphalte standard sur une distance d’environ 3 km. Mais voilà : certains tronçons de l’autoroute 19 ne figuraient pas dans l’appel d’offres du ministère des Transports (MTQ) et présentent aujourd’hui des signes évidents de détérioration.

Des informations obtenues depuis la publication de cet article nous ont permis de constater que les images et les témoignages utilisés précédemment pour décrire le piètre état de l’A-19 faisaient référence à des sections n’ayant pas été pavées par Roxboro à l’automne 2017. Le MTQ a par la suite confirmé que lesdites sections, pourtant situées entre le boulevard Henri-Bourassa et l’A-440, ne faisaient pas partie de l’appel d’offres, mais a refusé d’expliquer pourquoi elles avaient été exclues.

Le MTQ affirme n'avoir « reçu aucune plainte de citoyens relativement au confort de roulement dans ce secteur ». Il confirme que les tronçons les plus abîmés étaient exclus de l’appel d’offres et n’ont donc pas fait l’objet de travaux de Roxboro.

Le ministère précise toutefois que « plusieurs déficiences ont été relevées » à l’égard des travaux effectués par Roxboro, notamment sur « la voie de droite de l’autoroute 19 en direction nord dans le secteur du boulevard de la Concorde ». Puisque « certains critères de conformité n’ont pas été atteints », des pénalités de 29 500 $ ont été imposées à Roxboro, poursuit le Ministère. Une retenue temporaire de 50 000 $ a été appliquée en attendant la réalisation de ces correctifs, ce qui correspond à environ 1,5 % du contrat total.

« Il y a un autre élément à considérer, c'est l'état de la fondation de la chaussée », a ajouté en entrevue Sarah Bensadoun, porte-parole du MTQ. « Ce qu'on a remarqué, avec l'hiver 2018 qui a été assez exceptionnel jusqu'à présent – il y a eu plusieurs épisodes de gel et de dégel – c'est qu'il y a eu des infiltrations d'eau, parce qu'on parle d'une dalle de béton qui est unie avec des joints. Donc il y a eu des infiltrations d'eau qui ont gelé et dégelé, ce qui a fait en sorte que ça a eu un impact aussi sur la chaussée. Donc on parle vraiment de deux éléments qui ne sont pas nécessairement liés à Roxboro. »

Roxboro a confirmé à Radio-Canada qu'elle avait effectivement réalisé des travaux sur l'A-19 N cet automne. « Nous avons aussi travaillé sur l'A-19 S quoique, dans ce cas, le MTQ a lui-même effectué une partie des travaux », a-t-elle tenu à préciser. L'entreprise a cependant décliné notre demande d'entrevue, alléguant que ses obligations contractuelles l'en empêchaient. « Tel que vous le constaterez dans le devis [de l'appel d'offres], seuls le ministre ou ses représentants peuvent parler publiquement du travail effectué », nous a-t-on expliqué.

Des experts se prononcent

Doctorant et chercheur en génie civil à l'Université Concordia, Soliman Abu Samra a décelé plusieurs défauts dans la chaussée de l'autoroute 19 en visionnant nos images : des joints d’expansion mal entretenus, par exemple, ou des ornières causées par un « trafic extrême infligé à l'autoroute ».

Il a aussi remarqué des fentes en « peau de crocodile » (crocodile cracking), un signe d'usure de l'asphalte caractérisé par une interconnexion de fissures, qui finissent pas évoquer les écailles d'un reptile. « C'est le résultat d'un défaut de fondation, d'un mauvais drainage ou des surcharges répétées, analyse-t-il. Il est important de restaurer le tout aussi rapidement que possible, puisque les fissures qui se détériorent coûtent plus cher à réparer et peuvent mener à la formation de nids-de-poule. »

Le chercheur note également et surtout une série de sillons perpendiculaires à la route, qui provoquent l'effet d'« ondulation » (corrugation) ressenti par les automobilistes. « Ce n'est pas sécuritaire et ça peut entraîner des accidents dangereux, puisque le conducteur peut perdre le contrôle de son véhicule et ne pas être capable de freiner au moment voulu », explique-t-il.

« Ces ondulations transversales, c’est un problème de fondation, pas un problème d’asphalte », estime pour sa part l'ingénieur en structure Hussein Farhat, président de l'entreprise Havre experts-conseils et chargé de cours à l'Université de Montréal. Or, « s’il y a un problème de fondation qui n’a pas été considéré, c’est la faute du donneur d’ouvrage », tranche-t-il.

L'ingénieur soupçonne que la fondation de l'autoroute, faite de sable et de gravier, a peut-être été « contaminée » par des particules fines, comme de l'argile, par exemple. Le cas échéant, appliquer un nouveau revêtement d'asphalte, « ça ne règle pas le problème », répète-t-il.

Opération nids-de-poule

Hasard ou coïncidence, Transports Québec a lancé une opération nids-de-poule sur l'autoroute 19, dans les deux directions, le 19 février, soit moins de 24 heures avant la publication de ce texte.

La section Commentaires est fermée

Compte tenu de la nature délicate ou juridique de cet article, nous nous réservons le droit de fermer la section Commentaires. Nous vous invitons à consulter nos conditions d’utilisation. (Nouvelle fenêtre)

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.