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L'éducation au Nouveau-Brunswick : une priorité pédagogique

Sylvie Blain, professeure, à la Faculté des sciences de l'éducation, Université de Moncton

Sylvie Blain, professeure, à la Faculté des sciences de l'éducation, Université de Moncton

Radio-Canada

NDLR : Radio-Canada Acadie a demandé à des intervenants de la communauté d'écrire une lettre sur les enjeux électoraux en leur domaine. Les lettres contiennent des opinions qui n'engagent que leur auteur.

Par Sylvie Blain, PhD, professeure titulaire et mentore en intégration pédagogique des technologies à la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Moncton
Présidente du Conseil de la langue française

Le début de la campagne électorale laisse présager que l'éducation n'occupera pas une place centrale dans les débats. Tous les partis ont choisi de mettre de l'avant l'économie. Or l'investissement dans notre système d'éducation est probablement la meilleure garantie d'une économie prospère à long terme. En effet, le développement économique du Nouveau-Brunswick est freiné par des déficiences en littératie actuelles, selon le rapport de l'économiste Pierre-Marcel Desjardins (2012, p. 3) (Nouvelle fenêtre). Ce rapport mettait aussi en lumière le manque de financement du système éducatif francophone du Nouveau-Brunswick.

Paradoxalement, afin de ramener l'éducation au cœur des débats électoraux, je propose de mettre fin à l'ingérence politique dans la gestion de l'éducation. Par la suite, j'aborderai la question du soutien des professionnelles et professionnels en enseignement qui sont en contact direct avec les élèves. Finalement, je remettrai en question l'usage que l'on fait des évaluations externes standardisées.

Un conseil de l'éducation plutôt qu'un ministère

Je voterais volontiers pour un parti qui aurait le courage de sortir le politique de l'éducation en enlevant au ministre le pouvoir de décision sur ce qui se passe en classe. Je propose de fonder un conseil provincial de l'éducation. Ce conseil serait indépendant des changements de gouvernement. En effet, je crois que plusieurs lacunes de notre système actuel pourraient être corrigées en enlevant au gouvernement le pouvoir de changer, plus ou moins arbitrairement, ce qui a été fait par le gouvernement précédent. Le temps est souvent un facteur crucial pour ressentir les effets positifs d'un changement en éducation, plus de quatre années parfois. Pour ne donner qu'un exemple des effets négatifs de la politique partisane dans la gestion de l'éducation, je mentionnerai le projet de l'accès direct aux ordinateurs du gouvernement Lord de 2004 à 2006 qui a été relégué aux oubliettes par le gouvernement Graham malgré un rapport de recherche largement favorable au projet.

Si l'on sortait le politique de l'éducation, les fonctionnaires actuels, qui sont toutes et tous des experts en éducation, pourraient alors concentrer leurs énergies à faire avancer l'éducation dans la bonne direction. Avec le système de gestion actuelle, les fonctionnaires doivent souvent se préoccuper de bien faire paraitre la ou le ministre, ce qui est une perte en termes de ressources humaines.

J'ai aussi l'espoir que cet organisme indépendant puisse prendre des décisions qui donneront les outils et l'autonomie nécessaires aux professionnelles et professionnels de l'éducation, un facteur clé dans la réussite éducative des élèves.

L'autonomie et la formation des enseignantes et les enseignants

Il est grand temps de reconnaitre que les exigences de la tâche d'enseignement sont de plus en plus élevées et qu'il est essentiel de soutenir le personnel de première ligne, c'est-à-dire les enseignantes et enseignants en milieu minoritaire francophone. Leur tâche est complexe et ils ont besoin de formation continue de qualité pour répondre aux besoins d'une classe de plus en plus hétérogène : ayants droit, troubles d'apprentissage, douance, immigration, défis en santé mentale, etc. Malheureusement, j'entends trop souvent parler de mesures pédagogiques, imposées aux enseignantes et aux enseignants, qui n'ont pas été éprouvées par la recherche et qui vont parfois même à l'encontre du respect du développement de l'enfant et des principes de l'inclusion scolaire.

Comme l'a souligné le rapport Desjardins (2012), il est primordial que notre société investisse dans notre système d'éducation francophone en accordant un budget équitable. Selon moi, ce budget devrait permettre, entre autres, d'offrir une formation continue de qualité au personnel enseignant. Cette formation devrait être axée sur les résultats des recherches en éducation, en mettant l'accent sur la lecture, l'écriture et la communication orale dans toutes les disciplines même celles dont on ne mesure pas le rendement, c'est-à-dire la littératie numérique, l'éducation physique, l'éducation à la citoyenneté et à l'environnement, les sciences humaines, la formation personnelle et sociale, les arts et la culture.

Un financement équitable permettrait aussi de mettre sur pied des services de francisation adéquats pour répondre aux besoins des élèves ayant droit à cette éducation en langue française même s'ils ne parlent pas la langue. Il en va de la survie des communautés acadiennes et francophones au Nouveau-Brunswick. Il est aussi crucial d'embaucher les ressources humaines nécessaires, d'acquérir des ressources en français de qualité, de moderniser les ressources technopédagogiques et de donner des formations pour les utiliser adéquatement.

Les évaluations externes standardisées

Ce soutien accru que je préconise coutera cher, j'en conviens. Pour réaliser des économies, le gouvernement actuel avait réduit les districts scolaires de cinq à trois pour réinvestir ces économies en classe. Y a-t-il eu une étude sur l'efficacité budgétaire de cette réduction? A-t-on évalué les impacts de cette mesure pour les élèves? Certains postes de cadres ont été supprimés, certes, mais plusieurs nouveaux postes ont été créés depuis pour compenser. Où seraient alors les économies?

Je suggère de faire des économies en éducation en diminuant le budget alloué aux évaluations ministérielles que subissent les élèves et les enseignants en 2e année pour la littératie, en 3e année pour les mathématiques, en 4e année pour la lecture, 5e et 8e année en français, mathématiques et sciences, etc. Oui, la liste des évaluations ministérielles est longue et au fil des ans, on a perdu de vue la raison d'être de ce type d'évaluation, soit d'être au service de l'apprentissage des élèves. L'usage que l'on en fait maintenant rejoint des principes de management axés sur la performance. Les résultats de ces évaluations sont rendus publics et l'on compare entre eux les districts et les écoles mettant ainsi une pression énorme sur le dos du personnel enseignant. Dans ce contexte, l'évaluation n'est plus au service de l'apprentissage et sert davantage de faire-valoir au gouvernement, quelle que soit la couleur du parti au pouvoir.

Ainsi, même si les principes de management issus du milieu des affaires ne peuvent être appliqués au système éducatif, on continue de mesurer la performance de quelques disciplines prétendant ainsi donner un portrait global de ce qui se passe à l'école. Or, il y a une différence énorme entre la performance et les véritables apprentissages qui sont, pour la plupart, difficilement mesurables. Par exemple, un des apprentissages visés en apprentissage de l'écriture est l'utilisation de stratégies efficaces pour planifier l'écriture de textes variés, mais les examens du ministère n'évaluent que la composition écrite, le produit fini, au détriment du processus. De plus, en ne ciblant que quelques matières « nobles » (la langue, les mathématiques et les sciences), les apprentissages en sciences humaines, pensée critique, formation personnelle et sociale, arts, environnement, éducation physique et mieux-être ne sont pas valorisés. Ces disciplines sont essentielles à la « formation de citoyennes et citoyens libres et responsables, capables de coopérer avec d'autres dans la construction d'une société juste fondée sur le respect des droits humains et de l'environnement » (MEDPE, 2013, p. 1 (Nouvelle fenêtre)).

J'ai passé sous silence les nombreux défis tout aussi préoccupants en petite enfance et au postsecondaire. Je crois cependant que sortir la partisanerie politique de la gestion des dossiers de la petite enfance et du postsecondaire serait tout aussi bénéfique pour les garderies, les collèges communautaires et les universités. Mes propositions ne sont pas parfaites, mais elles visent à favoriser les apprentissages authentiques et durables pour faire prospérer le Nouveau-Brunswick à long terme.

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